Coronavirus (covid-19) – Report et aménagement de crédit pour les particuliers

Par ordonnance du 25 mars 2020 (modifiée par ordonnance du 15 avril 2020), le Gouvernement a adopté la mesure suivante (art. 4) :

« Les astreintes, les clauses pénales, les clauses résolutoires ainsi que les clauses prévoyant une déchéance, lorsqu’elles ont pour objet de sanctionner l’inexécution d’une obligation dans un délai déterminé, sont réputées n’avoir pas pris cours ou produit effet, si ce délai a expiré pendant la période définie au I de l’article 1er (= fin de l’urgence sanitaire + 1 mois). Ces astreintes prennent cours et ces clauses produisent leurs effets à compter de l’expiration d’un délai d’un mois après la fin de cette période si le débiteur n’a pas exécuté son obligation avant ce terme. Le cours des astreintes et l’application des clauses pénales qui ont pris effet avant le 12 mars 2020 sont suspendus pendant la période définie au I de l’article 1er ».

Une circulaire est venue préciser les modalités d’application de cette suspension des délais en matière de prêt :

« Les astreintes, les clauses pénales, les clauses résolutoires ainsi que les clauses prévoyant une déchéance, lorsqu’elles ont pour objet de sanctionner l’inexécution d’une obligation dans un délai déterminé, sont réputées n’avoir pas pris cours ou produit effet, si ce délai a expiré pendant la période définie au I de l’article 1er (= fin de l’urgence sanitaire + 1 mois). Ces astreintes prennent cours et ces clauses produisent leurs effets à compter de l’expiration d’un délai d’un mois après la fin de cette période si le débiteur n’a pas exécuté son obligation avant ce terme. Le cours des astreintes et l’application des clauses pénales qui ont pris effet avant le 12 mars 2020 sont suspendus pendant la période définie au I de l’article 1er. »

En conséquence, toute échéance de prêt non payée entre le 12 mars 2020 et un mois après la fin de la période d’urgence sanitaire ne peut donner lieu à notification de la déchéance du terme.

Il n’en reste pas moins que sauf accord amiable, l’emprunteur sera tenu de rembourser l’ensemble des mensualités dues ainsi que la mensualité en cours à l’échéance de celle-ci.

Au-delà de ces mesures exceptionnelles prises pour une période bien particulière, voici les solutions classiques offertes à un particulier en incapacité d’honorer ses échéances de remboursement :

  1. Si le contrat de prêt le prévoit, suspension temporaire des échéances :

En règle générale, il est possible de suspendre ses échéances au bout de 24 mois de remboursement pour une durée d’un à 12 mois. Cette opération n’est pas sans conséquence puisqu’elle allonge la durée du crédit.

Domaine :

  • les prêts immobiliers à taux fixe
  • les prêts immobiliers à taux révisable (taux variable)
  • les prêts immobiliers à taux mixte

En revanche, l’emprunteur ne peut, en théorie, pas bénéficier d’un report d’échéances s’il a souscrit :

  • un prêt à taux zéro
  • un prêt relais
  • un prêt in fine (qui permet à l’emprunteur de ne payer que les frais d’assurance et les intérêts pendant la durée du prêt)
  • un prêt conventionné
  • un prêt à l’accession sociale (PAS)
  • un prêt épargne logement (PEL)

Procédure : il convient de se reporter aux dispositions du contrat ; en règle générale, il conviendra d’envoyer un courrier à sa banque un à deux mois avant la date souhaitée du report.

Il existe deux mécanismes de report d’échéances :

  • le report d’échéance partiel : l’emprunteur stoppe le remboursement du capital pendant une période définie, mais il continue de rembourser les intérêts. Le versement mensuel de l’assurance du prêt est maintenu
  • le report d’échéance total : l’emprunteur décide de ne plus rien rembourser pendant une période donnée (il ne rembourse ni le capital, ni les intérêts). Là encore, le paiement de l’assurance de prêt n’est pas suspendu (il faut continuer à le rembourser chaque mois). Il faut noter que le report total est moins coûteux lorsqu’il est mis en place en fin de crédit (pendant cette période, l’emprunteur rembourse essentiellement le capital)

Lors de la mise en place du report d’échéances, la banque remet à l’emprunteur un nouveau tableau d’amortissement indiquant le montant et la durée du prêt.

À l’issue de cette période de suspension, l’emprunteur reprend le remboursement mensuel de son crédit (capital, intérêts et assurance prêt). Les mensualités reportées sont à payer à la fin du crédit.

ATTENTION : suspendre temporairement le remboursement d’un prêt immobilier a un coût. En effet, le report génère des intérêts supplémentaires (intérêts intercalaires pour un report partiel ; intérêts impayés des échéances reportés pour un report total).

  1. Si le contrat de prêt le prévoit, modulation temporaire des échéances :

Le prêt immobilier modulable permet à l’emprunteur de diminuer le montant de ses mensualités jusqu’à une certaine portion et pendant une certaine période. La plupart des banques le proposent avec la possibilité de diminuer les mensualités de 10 à 30% de l’échéance selon les banques, au bout de deux ans de remboursement également et dans la limite d’un allongement maximal de la durée du prêt de deux ans.

ATTENTION : Si l’emprunteur demande à sa banque de baisser ses mensualités en augmentant la durée restante de plus de 24 mois, cela est alors assimilé à une restructuration de dettes. Cela n’entre donc plus dans le champ de la modularité de prêt.

Les banques donnent souvent la possibilité d’effectuer une seule modulation de prêt par an. À chaque demande de changement d’échéance, la banque calcule un nouveau tableau d’amortissement prenant en compte la baisse de la mensualité du crédit.

Domaine : la modulation est valable pour tous les types de prêts.

Même dans l’hypothèse où la clause de modularité ne figure pas dans son contrat, rien n’interdit à l’emprunteur de demander une suspension du remboursement.

  1. Le délai de grâce prévu par le Code de la consommation

 Bien qu’il soit préférable de privilégier un accord amiable avec son banquier, qui sera a priori plus favorable à un rééchelonnement ou d’un aménagement de la dette plutôt que d’un défaut de paiement, le débiteur dispose toujours de la solution de la suspension judiciaire du remboursement.

Cela permet en outre de négocier au mieux la levée totale ou partielle des intérêts sur cette période.

 « L’exécution des obligations du débiteur peut être, notamment en cas de licenciement, suspendue par ordonnance du juge des contentieux de la protection dans les conditions prévues à l’article 1343-5 du code civil. L’ordonnance peut décider que, durant le délai de grâce, les sommes dues ne produiront point intérêt.

En outre, le juge peut déterminer dans son ordonnance les modalités de paiement des sommes qui seront exigibles au terme du délai de suspension, sans que le dernier versement puisse excéder de plus de deux ans le terme initialement prévu pour le remboursement du prêt ; il peut cependant surseoir à statuer sur ces modalités jusqu’au terme du délai de suspension. »

Pour activer cette procédure et ceci indépendamment des clauses contractuelles, il suffit de pouvoir justifier d’une baisse des revenus indépendante de la volonté de l’emprunteur. C’est ce qui ressort de la jurisprudence :

  • CA Lyon, 11-12-2018, n° 17/05403 : « Aux termes des dispositions de l’article L. 314-20 du code de la consommation, l’exécution des obligations du débiteur peut être, notamment en cas de licenciement, suspendue par ordonnance du juge d’instance dans les conditions prévues à l’article 1343-5 du code civil.

Ce dernier article invite le juge à apprécier la situation du débiteur et les besoins du créancier, sans référence à la bonne ou mauvaise foi du débiteur. »

  • CA Lyon, 30-10-2018, n° 18/01403 : « la volonté de reprendre des études n’apparaît pas correspondre à la situation visée par les dispositions précitées de l’article L.314-20 du code de la consommation qui ont pour objet de permettre à l’emprunteur dont la situation financière s’est trouvée modifiée à la suite d’un événement qui n’existait pas lorsque le prêt a été souscrit et qui connaît en conséquence une perte de ses revenus, d’alléger ses charges dans l’attente d’un retour à meilleur fortune. Le texte se réfère notamment au licenciement soit à un événement externe à l’emprunteur que celui-ci subit et dont il n’est pas à l’origine. »

Avantage : cette procédure ne déclenche aucun frais ni intérêt de retard.

Domaine : crédits immobiliers, crédit à la consommation.

Procédure : référé devant le Tribunal de proximité ou la Chambre de proximité du TJ compétent

Concernant le remboursement, le juge peut décider de son étalement au terme du délai, voire surseoir à statuer sur ce point jusqu’à la fin du délai de grâce.

 « L’exécution des obligations du débiteur peut être, notamment en cas de licenciement, suspendue par ordonnance du juge d’instance dans les conditions prévues aux articles 1244-1 à 1244-3 du code civil. L’ordonnance peut décider que, durant le délai de grâce, les sommes dues ne produiront point intérêt.

En outre, le juge peut déterminer dans son ordonnance les modalités de paiement des sommes qui seront exigibles au terme du délai de suspension, sans que le dernier versement puisse excéder de plus de deux ans le terme initialement prévu pour le remboursement du prêt ; il peut cependant surseoir à statuer sur ces modalités jusqu’au terme du délai de suspension. »

Compte tenu de la quasi-identité des termes des dispositions de l’article L 313-12 ancien et de l’article L 314-20 nouveau, y compris le renvoi aux articles 1244-1 à 1244-3 anciens du code civil qui équivalent à l’article 1343-5 nouveau, l’interprétation du texte sera à notre sens la même que celle de l’article L 314-20.

 


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