Répartition des travaux dans un bail commercial : Que vous soyez bailleur ou preneur, cet article peut vous intéresser !
L’objectif est d’y expliquer l’intérêt stratégique d’une rédaction précise de l’inventaire de répartition des charges, notamment de travaux.
L’exploitation d’un local commercial, juridiquement armée par un contrat de bail commercial, engendre un ensemble de charges, notamment de travaux, dont la répartition entre bailleur et preneur peut être source de tension, voire de contentieux.
La durée d’un bail commercial est effectivement suffisamment longue pour que se présente la nécessité de la réalisation de divers travaux au sein du local commercial concerné.
Quelles sont alors les marges de manœuvre du bailleur et du preneur dans la répartition des charges de travaux générées dans un bail commercial ?
Initialement, sous l’empire du décret n°53-960 du 30 septembre 1953 réglant les rapports entre bailleurs et locataires en ce qui concerne le renouvellement des baux à loyer d’immeubles ou de locaux à usage commercial, industriel ou artisanal, la liberté des contractants dans la répartition des charges de travaux laissait la porte ouverte aux abus de la part d’une partie mieux renseignée et plus puissante vis-à-vis de l’autre, perturbant la pérennité et l’équilibre de la relation contractuelle.
- Depuis la loi Pinel : Présence obligatoire d’un inventaire avec répartition des charges entre bailleur et preneur
Le législateur français est intervenu en 2014 par la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014 relative à l’artisanat, au commerce et aux très petites entreprises, dite loi Pinel, traitant spécifiquement en son titre 1 des baux commerciaux.
L’article L 145-40-2 du Code de commerce dispose que le bail commercial comporte un inventaire précis et limitatif des catégories de charges, impôts, taxes et redevances liés à ce bail, comportant l’indication de leur répartition entre le bailleur et le locataire ».
La répartition des charges est précisée par le décret n° 2014-1317 du 3 novembre 2014 relatif au bail commercial, applicable aux baux conclus ou renouvelés à compter du 5 novembre 2014.
Concernant les travaux, l’article R 145-35 du Code de commerce détaille la répartition entre bailleur et preneur par référence à l’article 606 du Code civil, qui dispose que Les grosses réparations sont celles des gros murs et des voûtes, le rétablissement des poutres et des couvertures entières.
Celui des digues et des murs de soutènement et de clôture aussi en entier.
Toutes les autres réparations sont d’entretien.
La Cour de cassation (Cass civ. 3e, du 13 juillet 2005, RG 04-13.764, Cass civ. 3e, 9 mai 2019, RG 18-14.123, Cass civ. 3e, 21 avril 2022, RG 21-14.036), précise les dispositions de l’article 606 du Code civil :
- Les réparations d’entretien, à la charge du preneur, sont celles qui sont utiles au maintien permanent en bon état de l’immeuble ;
- Les grosses réparations, à la charge du bailleur, intéressent l’immeuble dans sa structure et sa solidité générale.
Cette répartition légale des travaux, sécurisante, n’est toutefois pas contractuellement absolue.
- Malgré la loi Pinel : Nécessité d’un contrôle fin et précis de la répartition des charges entre bailleur et preneur
Concernant par exemple l’installation électrique du local loué, soumise à la norme NF C 15-100, il a pu être jugé que la charge de sa réfection appartient au champ de l’article 606 du Code civil, et par conséquent incombe au bailleur (Civ. 3ème, 13 juillet 2005, RG 04-13.764).
La Cour de cassation (Cass civ. 3, 15 février 2018, RG 16-26.889) a pourtant jugé que, sans constater l’existence d’une stipulation expresse du bail mettant ces travaux à la charge des preneurs, la réfection de l’installation électrique incombait au bailleur.
Dans le même sens (Cass civ. 3e, 11 octobre 2018, RG 17-18.553), en statuant ainsi, sans constater l’existence d’une stipulation expresse du bail mettant, à la charge du preneur, le coût des travaux de raccordement aux eaux usées et d’installation d’un raccordement au réseau électrique, la cour d’appel a violé le texte susvisé.
La charge des travaux de mise en conformité électrique du local commercial peut être transférée au preneur par une clause claire et précise.
De manière plus générale, concernant la charge de grosses réparations, la Cour de cassation (Cass civ. 3e, 1er juin 2022, RG 21-14.598) a jugé qu’en statuant ainsi, en l’absence d’une stipulation claire et précise du bail commercial mettant à la charge du preneur la réfection de la couverture et la charpente des bâtiments loués, la cour d’appel a violé les textes susvisés.
Une clause expresse, claire et précise, peut donc perturber l’équilibre de principe construit par la loi Pinel : le diable se niche encore et toujours dans les détails, et il est impératif, au-delà de la présence de l’inventaire, d’en auditer finement la composition.
Je suis intéressé par l’exploitation de mon fonds de commerce dans un local commercial, et suis en négociation avec le bailleur, que faire ?
En tant que preneur, il est donc pertinent de bien auditer le projet de bail commercial remis par le bailleur, et de porter la plus grande attention à la rédaction des clauses qui le composent.
Un bail commercial déjà activé est modifiable par avenant.
Je suis propriétaire d’un local commercial que je souhaite mettre en location, comment agir ?
En tant que bailleur, il est également sécurisant, pour optimiser la pérennité de votre investissement, de quantifier les coûts qu’il va générer et d’en prévoir la répartition avec votre preneur.
Pour résumer :
- Le bail commercial comprend un inventaire répartissant les charges, notamment de travaux, entre bailleur et preneur ;
- La loi et la jurisprudence précisent la nature des charges de travaux relevant du bailleur et du preneur ;
- Toutefois, des clauses claires et précises peuvent modifier la répartition légale des charges de travaux
- Pour garantir la pérennité et l’équilibre de votre bail commercial, il est judicieux d’apporter la plus grande vigilance à la rédaction de l’inventaire répartissant les charges, notamment de travaux, entre bailleur et preneur.
L’aide de votre avocat en amont participe à sécuriser votre bail commercial.
En cas de différent naissant sur la charge des travaux :
- Abordez dans un premier temps une voie amiable directement avec votre partenaire contractuel ;
- Faites auditer votre bail commercial par votre avocat ;
- Si la communication avec votre partenaire contractuel n’aboutit par à un accord, sollicitez votre avocat pour le contacter ;
- Si la voie amiable ne fonctionne pas, défendez vos intérêts au contentieux, avec l’aide de votre avocat.