A titre de préambule, il convient de noter que le législateur a entendu adapter notre droit à la suspension de la vie sociale qu’ont entraîné les mesures d’état d’urgence sanitaire.

Ainsi, par une ordonnance du 25 mars 2020 qui concerne un certain nombre d’actes et de délais légaux[1], tous les délais et mesures qui ont expiré ou qui expirent entre le 12 mars 2020 et l’expiration d’un délai d’un mois à compter de la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire déclaré (soit, à la date où nous écrivons, le 24 juin 2020) ont été prorogés à la fin de cette période.

Une circulaire du Garde des sceaux du 26 mars 2020 est venue utilement préciser ces modalités d’application.

Au-delà de cette prorogation de délais d’ordre générale, il convient d’examiner comment ces retards viennent impacter vos livraisons en tant que professionnel.

Des dispositions spécifiques ont été prises par voie d’ordonnance pour adapter la législation en matière de transport à la situation de pandémie actuelle.

Ainsi, selon le décret du 23 mars 2020 précité, « la remise et la signature des documents de transport sont réalisées sans contact entre les personnes ».

En outre le décret pose une présomption de livraison conforme ; en cas de problème avec la marchandise, il conviendra en conséquence de communiquer une réclamation écrite avant midi du premier jour ouvrable suivant la remise de la marchandise à défaut de stipulation contractuelle.

1. Vous avez fait appel à un commissionnaire de transport

Le commissionnaire de transport à qui vous avez confié l’organisation du transport des marchandises dont vous êtes le réceptionnaire a une obligation de résultat, notamment en matière de respect des délais de livraison auxquels il s’est contractuellement engagé.

Il peut cependant s’en départir pour une cause de force majeure ou de fait du prince, exception qu’il reviendra à la jurisprudence de retenir le cas échéant.

Le délai de prescription est d’un an, délai suspendu pendant la période d’urgence sanitaire allongé d’un mois par l’ordonnance du 25 mars 2020.

2. Vous avez vous-même organisé le transport 

  • Transport terrestre (routier et ferroviaire)

Il convient de distinguer selon qu’il s’agisse d’un transport à l’intérieur des frontières ou d’un transport transfrontalier.

    • Transport interne:

En matière de transport routier, les délais dépendent des dispositions des contrats types si aucun contrat particulier n’a été conclu.

Aux termes du Contrat type général, le délai d’acheminement comprend le délai de transport (un jour ouvré par fraction de 450 kilomètres) et le délai de livraison à domicile (un ou deux jours).

L’article 21 du Contrat type général précise que la marchandise sera considérée comme perdue à l’expiration d’un délai de trente jours après le délai convenu ou, à défaut, du délai nécessaire à la réalisation du transport.

Pour que le préjudice subi du fait du retard puisse être indemnisé (qu’il s’agisse d’une perte sèche ou d’un gain manqué), il faut qu’il soit direct, certain et, sauf faute lourde ou dolosive de la part du transporteur, prévisible pour ce dernier. La seule preuve du dépassement du délai de livraison ne suffit pas à justifier l’indemnisation.

Il peut s’agir d’un préjudice commercial (ventes manquées, perte d’un client important), de l’indemnisation des pénalités ou autres indemnités qu’il a dû lui-même payer, de la perte ou l’avarie de la marchandise. Par ailleurs une mise en demeure de livrer la marchandise est nécessaire pour ensuite pouvoir se prévaloir de ce type de préjudice.

L’indemnisation est limitée au montant du prix du transport par les contrats-type, sauf souscription d’une déclaration d’intérêt spécial à la livraison ou en cas de faute inexcusable du transporteur.

Le délai de prescription est d’un an, délai suspendu pendant la période d’urgence sanitaire allongé d’un mois par l’ordonnance du 25 mars 2020.

S’agissant du transport ferroviaire, le retard permet de soulever la responsabilité du transporteur sauf cas de force majeure, si :

– le transporteur a été mis en demeure de livrer ;

– le préjudice causé par le retard est justifié et il en constitue une suite immédiate et directe.

Les conditions générales de vente de la SNCF stipulent une limitation d’indemnité au quadruple des frais de transport.

Le délai de prescription est d’un an, délai suspendu pendant la période d’urgence sanitaire allongé d’un mois par l’ordonnance du 25 mars 2020.

    • Transport international :

En matière de transport routier :

A défaut d’un délai convenu entre les parties, le retard peut être constaté s’il : dépasse un délai « normal », qui s’apprécie en fonction de l’itinéraire, de la distance à parcourir, des difficultés du trajet, etc. (CMR, art. 21). L’une des causes d’exonération prévue est là encore la force majeure.

Si la cause d’exonération ne s’applique pas, il faudra établir que le retard a occasionné un préjudice.

Dans ce cas l’indemnité reste limitée au montant du prix du transport sauf souscription d’une déclaration d’intérêt spécial à la livraison ou en cas de faute inexcusable du transporteur.

Le délai de prescription d’un an, délai suspendu pendant la période d’urgence sanitaire allongé d’un mois par l’ordonnance du 25 mars 2020, court à compter de la livraison effective de la marchandise. En cas de perte totale, il court à compter de 30 jours après la date de livraison contractuelle, ou à défaut, 60 jours après la date de prise en charge des marchandises par le transporteur.

En transport ferroviaire international, le droit à indemnité s’ouvre en cas de simple dépassement du délai de livraison (RU-CIM 1999, art. 33).

Si l’ayant droit rapporte la preuve d’un préjudice, il lui est dû la réparation de ce préjudice justifié dans la limite du quadruple du prix de transport sauf souscription d’une déclaration d’intérêt spécial à la livraison ou en cas de faute inexcusable du transporteur.

Le délai de prescription est d’un an, délai suspendu pendant la période d’urgence sanitaire allongé d’un mois par l’ordonnance du 25 mars 2020.

    • Transport maritime :

En matière maritime, les délais éventuellement prévus au contrat n’ont qu’une valeur indicative, dès lors que le transporteur respecte un délai normal d’acheminement, compte tenu des circonstances (tels qu’appréciés par les juges). Seul un retard excessif l’expose à exposer sa responsabilité.

Une clause de limitation ou d’exonération de responsabilité pour retard est valable sauf si le retard cause un dommage à la marchandise ou est dû à une faute lourde du transporteur.

Pour les transports internes :

– Si le préjudice a pour cause unique le retard (exclusif de toute avarie ou perte causée aux marchandises), alors la victime devra prouver la faute du transporteur, son préjudice et son lien de causalité avec le retard. La prescription sera de cinq ans, délai suspendu pendant la période d’urgence sanitaire allongé d’un mois par l’ordonnance du 25 mars 2020.

– Si le retard a causé des pertes ou des avaries à la marchandise, la responsabilité du transporteur sera soumise à la présomption de responsabilité du transporteur et à la prescription d’un an, délai suspendu pendant la période d’urgence sanitaire allongé d’un mois par l’ordonnance du 25 mars 2020.

Pour le transport international, la réparation des dommages consécutifs au retard dans l’acheminement des marchandises est soumise au même régime que ceux résultant des pertes ou avaries (Conv. Bruxelles, 25 août 1924, art. 4-5). Les clauses limitatives ou exonératoires de responsabilité ne sont pas valables en matière de retard (art. 3-8). Les délais de prescription sont également limités à un an, délai suspendu pendant la période d’urgence sanitaire allongé d’un mois par l’ordonnance du 25 mars 2020.

    • Transport aérien :

Les conventions posent le principe de la responsabilité du transporteur en cas de retard (Conv. Varsovie, 12 oct. 1929, art. 9 ; Conv. Montréal, 28 mai 1999, art. 19).

Le transporteur est présumé responsable des dommages causés à la marchandise et dont la cause s’est produite durant le temps où elle était sous sa garde : cela concerne le retard mais aussi les avaries qui lui sont consécutives

Le transporteur peut s’exonérer de sa responsabilité s’il établit que lui ou ses préposés ont pris toutes les mesures qui pouvaient raisonnablement s’imposer pour éviter le dommage ou qu’il leur était impossible de les prendre.

Vous disposez d’un délai de 21 jours à compter de la mise à disposition de la marchandise, pendant lequel vous devez adresser une protestation écrite au transporteur sous peine de perdre votre droit d’action à son encontre. Le délai de prescription est de deux ans, délai suspendu pendant la période d’urgence sanitaire allongé d’un mois par l’ordonnance du 25 mars 2020.

[1]     « Tout acte, recours, action en justice, formalité, inscription, déclaration, notification ou publication prescrit par la loi ou le règlement à peine de nullité, sanction, caducité, forclusion, prescription, inopposabilité, irrecevabilité, péremption, désistement d’office, application d’un régime particulier, non avenu ou déchéance d’un droit quelconque »

 

Le Cabinet DENIS REBUFAT ET ASSOCIES, Avocats au barreau de Marseille et d’Aix-en-Provence en droit des transports se tient à votre disposition pour vous accompagner et vous assister.