Les gestionnaires peuvent-ils suspendre leurs obligations contractuelles et notamment le paiement des loyers aux propriétaires ?
Première interrogation : les résidences de tourisme sont-elles frappées d’une interdiction d’ouverture ?
Non, l’arrêté du 15 mars 2020 précise qu’un certain nombre d’établissements recevant du public doivent rester fermés jusqu’au 17 avril 2020.
Les résidences de services ne sont pas visées mais les établissements de plein air et les activités de plein air (dont les piscines) le sont. L’activité hôtelière et hébergement similaire est autorisée.
Une résidence de tourisme pourrait donc être ouverte sous réserve que les services communs (piscine, restaurant etc.) soient fermés.
Deuxième interrogation : l’exploitant peut-il suspendre le paiement des loyers ou imposer une renégociation du contrat ?
Deux fondements juridiques : la force majeure et l’imprévision
1) L’imprévision :
Cette théorie a pour fondement l’article 1195 du Code civil :
« Si un changement de circonstances imprévisible lors de la conclusion du contrat rend l’exécution excessivement onéreuse pour une partie qui n’avait pas accepté d’en assumer le risque, celle-ci peut demander une renégociation du contrat à son cocontractant. Elle continue à exécuter ses obligations durant la renégociation.
En cas de refus ou d’échec de la renégociation, les parties peuvent convenir de la résolution du contrat, à la date et aux conditions qu’elles déterminent, ou demander d’un commun accord au juge de procéder à son adaptation. À défaut d’accord dans un délai raisonnable, le juge peut, à la demande d’une partie, réviser le contrat ou y mettre fin, à la date et aux conditions qu’il fixe ».
Ainsi le déclenchement de la clause est subordonné à plusieurs conditions :
- le changement de circonstances imprévisibles lors de la conclusion du contrat
- l’exécution devenue excessivement onéreuse
- le défaut d’acceptation du risque d’assumer le contenu du contrat
- l’absence totale de faute du demandeur
Chacune de ces conditions peut être précisée et encadrée par les parties dans le contrat.
A défaut, pour l’appréciation des circonstances imprévisibles, il faut se reporter au caractère imprévisible de la force majeure.
Contrairement au cas de force majeure, l’imprévision n’empêche pas l’exécution du contrat mais la rend simplement excessivement onéreuse. Cette disposition introduite par la réforme du droit des contrats n’est applicable qu’aux contrats conclus postérieurement au 1er octobre 2016.
Ces dispositions pourraient être invoquées par le gestionnaire afin de solliciter une baisse du loyer – ou du moins d’initier une négociation sur ce point – invoquant les circonstances imprévisibles entraînées par la crise du coronavirus.
Il appartiendra toutefois au gestionnaire qui entend renégocier le contrat de démontrer que cette crise sanitaire rend plus onéreuse l’exécution du contrat.
2) Le cas de force majeure
Il est prévu à l’article 1218 du Code civil :
« Il y a force majeure en matière contractuelle lorsqu’un événement échappant au contrôle du débiteur, qui ne pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat et dont les effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées, empêche l’exécution de son obligation par le débiteur.
Si l’empêchement est temporaire, l’exécution de l’obligation est suspendue à moins que le retard qui en résulterait ne justifie la résolution du contrat. Si l’empêchement est définitif, le contrat est résolu de plein droit et les parties sont libérées de leurs obligations dans les conditions prévues aux articles 1351 et 1351-1 ».
a) Le covid-19 peut-il être considéré comme un cas de force majeure ?
Si l’on se réfère à la jurisprudence en matière de maladie et d’épidémie, le cas de force majeure n’a pas été retenu que ce soit pour la grippe H1N1 en 2009, la peste, la dengue ou encore le chikungunya.
Les juges ont considéré que les maladies étaient connues, que la mortalité n’était pas suffisamment élevée et ont refusé qu’elles puissent être invoquées pour refuser l’exécution du contrat.
Cela étant, pour le covid-19, compte tenu de l’ampleur et de la gravité du phénomène ainsi que des conséquences sur la santé, le cas de force majeure pourrait être retenu par le juge : seule la saisine du juge pourra nous l’indiquer.
D’autre part, le cas de force majeure ne fait pas disparaitre définitivement l’obligation d’exécuter le bail.
Ainsi, les obligations qui ne peuvent à ce jour être honorées (réservations de séjours) doivent être reportées et devront être réalisées lorsque les mesures prises par le gouvernement cesseront.
Il incombera là encore au gestionnaire de démontrer quelles sont les incidences économiques sur l’exploitation de la résidence.
b) Le contrat peut écarter la force majeure comme cause d’inexécution
Il est important de se référer aux clauses contractuelles stipulées dans le bail.
En effet, les parties peuvent décider que même dans l’hypothèse de la survenance d’un cas de force majeure (par exemple une crise sanitaire), les stipulations contractuelles doivent s’appliquer.
Une lecture attentive du contrat doit donc être réalisée.
A ce jour, certains gestionnaires ont indiqué qu’ils suspendaient le paiement des loyers à compter du 14 mars 2020 en faisant état du cas de force majeure.
Cette position est en l’état largement contestable.
Le Cabinet DENIS REBUFAT ET ASSOCIES, Avocats au barreau de Marseille et d’Aix-en-Provence se tient à votre disposition pour vous accompagner et vous assister.